Sombath Somphone, le disparu de Vientiane
LE MONDE 30/10/2013
INTERVENTION DIRECTE DES ETATS-UNIS
« Si l’une des raisons de son enlèvement c’était d’envoyer un message aux ONG pour qu’elles ne franchissent aucune “ligne rouge” sur des questions sociales qui pourraient avoir des implications politiques, l’opération est une réussite », ironise un membre d’une ONG. Qui, comme toutes les personnes interrogées, demandera que ni son nom ni celui de son organisation ne soient mentionnés. Une requête qui donne un aperçu de l’ambiance dans Vientiane près d’un an après l’« évaporation » de Sombath Somphone……
L’affaire a fait grand bruit. Car si Sombath Somphone n’était pas connu dans tout le pays, au-delà de la réputation qu’il s’était forgé grâce à son Centred’entraînement au développement participatif (PADETC) qui aide les fermiers en mettant l’accent sur la formation et l’éducation des jeunes et des paysans, il était une figure reconnue au niveau international. En 2005, cet ancien étudiant ensciences de l’éducation et en agronomie de l’université d’Hawaï avait reçu le prix Ramon-Magsaysay, l’équivalent asiatique du Nobel, en récompense de son travail en milieu rural.
Non seulement son enlèvement a soulevé l’indignation de nombre de chancelleries qui, à l’exception de la Chine, se sont toutes déclarées « préoccupées », mais il a provoqué une intervention directe, le 24 mars, du secrétaire d’Etat américain, John Kerry : « Les Etats-Unis partagent les sérieuses inquiétudes de la communauté internationale à propos du sort de M. Sombath Somphone. Nous demandons au gouvernement laotien de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire toute la lumière sans tarder sur sa disparition. » Dernière réaction en date : lundi 28 octobre, en visite à Vientiane, le président d’une délégation du Parlement européen pour l’Asie du Sud-Est, Werner Langen, a regretté n’avoir « reçu aucune réponse satisfaisante » aux questions posées aux autorités laotiennes à propos de la disparition de Sombath Somphone.
« Il semble difficile de croire que la décision de son enlèvement ait pu être prise à très haut niveau vu l’amateurisme dont ont fait preuve ceux qui l’ont emmené », estime de son côté un diplomate. Comme on l’a vu, les faits se sont déroulés sous les objectifs des caméras installées dans Vientiane sous prétexte de « contrôlesocial » dans cette société placée sous surveillance des organes du parti unique, le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL). Pour aggraver leur cas, les kidnappeurs n’ont pas imaginé que, le lendemain, la famille de Sombath Somphone déclarerait sa disparition à la police qui, sans broncher, a montré à sa soeur et à son épouse les images décrites plus haut… Depuis, ces vidéos un peu floues, enregistrées par sa famille sur un téléphone portable, restent jalousement conservées par la police qui refuse de montrer les originaux. « Les autorités laotiennes ont refusé toute proposition d’assistance technique étrangère pourdéchiffrer les images », relève le même diplomate.
Certains éléments contextuels pourraient expliquer la volonté de mise à l’écart de Sombath Somphone : début novembre 2012 s’était tenu à Vientiane le Sommet Asie-Europe (ASEM), qui réunit une fois tous les deux ans les pays européens et asiatiques dans une capitale des deux continents. Traditionnellement, l’ASEM est précédé d’un forum des peuples Asie-Europe, réunissant des ONG et des porte-parole de sociétés civiles internationales. Coprésident du comité organisateur, Sombath Somphone avait présidé à la rédaction d’un rapport, « Visions laotiennes », synthèse d’une consultation des communautés villageoises. Durant le forum, certains paysans s’étaient plaint des confiscations croissantes de terres au profit d’entreprises vietnamiennes ou chinoises pratiquant la culture de l’hévéa ou engagées dans des exploitations minières. SUITE…
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